Il y a 10 ans, la centrale nucléaire de Fukushima Daichi fut terrassée par un tsunami. Le tremblement de terre coupa l’électricité et les générateurs noyés sous l’eau ne purent répondre à leur mission. Sans système informatique et sans électricité, les 3 réacteurs en service partirent dans un processus de désintégration et de fonte du combustible nucléaire. Les explosions causées par l’accumulation d’hydrogène devinrent le symbole de cette catastrophe nucléaire.
Depuis, Tepco, le propriétaire de la centrale et le gouvernement japonais se débattent avec cette bête qui se meure à petit feu mais qui ne rend pas les armes. Initialement, 40 années étaient prévues pour décommissionner les 3 réacteurs. Aujourd’hui, 50 à 60 années semblent plus réaliste selon la Japan Atomic Energy Commission.
Après la catastrophe, les coûts avaient été estimés à $ 101 milliards $. Aujourd'hui, les estimations dépassent les 200 milliards $.
Le casse-tête du combustible nucléaire fondu
En décembre dernier, Tepco a déclaré que les travaux visant à retirer le combustible nucléaire fondu des trois réacteurs seraient retardés et reportés en 2022, voir après. Le corium émet encore des niveaux de radiations extrêmes qui empêchent toujours des robots de s’en approcher.
Ainsi entre 800 et 900 tonnes de combustibles se trouvent dans les sous-sols des réacteurs 1, 2 et 3, et au total, 7,6 millions de tonnes de déchets radioactifs devront être retirés et traités.
Certains pensent qu’il sera impossible de retirer ce combustible alors qu’il doit être systématiquement refroidi avec de l’eau. En décembre dernier, la Nuclear Regulation Authority a relevé des niveaux de 10 sieverts/heure proche des réacteurs 2 et 3 soit une dose mortelle après une heure. Ce niveau de radiation élevé ne facilite pas la tâche pour décommissionner les réacteurs.
Un sarcophage du style de Tchernobyl est même évoqué même si l’eau utilisée continue de fuiter dans le Pacifique.
1 million de tonnes d’eau contaminée
Pour refroidir les 3 réacteurs, Tepco utilise des tonnes d’eau. Comme il n’est pas possible de la traiter, elle s’entasse dans des milliers de réservoirs. Le gouvernement avait prévu de vidanger cette eau et de la diluer dans le Pacifique après les Jeux Olympiques de 2020. Mais les protestations internationales, dont celle de la Corée du Sud ont remis cette stratégie sur la table. Cependant pour des raisons de coûts et de manque de la place, une solution devra être trouvée et le Pacifique semble la seule option.
Photo: asahi.com
La population ne revient pas
20 millions de m2 de terres contaminées ont été retirées afin de décontaminer les villes autours de la centrale avec l’objectif de repeupler la région. Mais même avec cette entreprise pharamineuse, les sols n’arrivent pas à se débarrasser de ces niveaux de radiation.
Sur les 36'000 personnes évacuées, seules 22% sont revenues. Principalement des personnes âgées qui sont revenues dans leur maison. Les familles et les enfants ne sont pas du voyage. Lire la touchante histoire Naoto Matsumara, Le dernier homme de Fukushima. L’homme césium resté pour s'occuper des annimaux abandonnés. J’avais eu le privilège de le rencontrer lors de sa visite à Lausanne en 2014.
Un décompte des morts très difficile
L’organisation Mondiale de la Santé, qui est une entité qui dépend directement de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, n’a pas dénombré de victimes des radiations nucléaires de Fukushima.
Cependant, 200 liquidateurs, qui ont travaillé suite à l’accident sont morts de «mauvaises grippes ». En 2015, le gouvernement japonais a reconnu la mort d’un employé et en septembre 2018, d’un autre liquidateur de 50 ans mort d’un cancer des poumons.
A ce jour, 202 enfants ont développé un cancer de la thyroïde, phénomène connu suite à une exposition à des radiations, mais l’Organisation Mondiale de la Santé peine à relier leurs cancers et l'accident nucléaire.
Ils étaient 103 en 2014 et 57 avaient été opérés. Lire Fukushima : 103 enfants atteints d’un cancer (25 août 2014)